La basse-cour de la poule pondeuse

Avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants

La tototte : amie ou ennemie ? 16 avril 2008

Toute personne sans enfant s’est déjà trouvée face au tableau suivant : un bambin de 2-3 ans, tétine à la bouche, marmonnant quelques mots incompréhensibles. Il fait alors tomber la tétine, et s’ensuit une crise terrible jusqu’à ce qu’il retrouve enfin sa tototte chérie. La personne se fait alors un serment solennel « Jamais mes enfants n’auront de tétine ! Pauvre gosse, ses parents sont vraiment trop nuls (et apparemment n’ont pas lu Aldo Naouri) ». Ce que cette personne ignore, c’est que pour la plupart, les parents de cet enfant s’étaient AUSSI fait cette promesse solennelle. Alors, que s’est-il passé ?

Un nouveau-né est un petit être fragile. Son système nerveux notamment est immature, et ne lui permet que peu de relativiser, ou de se dire « ça ira mieux plus tard », s’il a un quelconque désagrément (mal au ventre, faim, un orteil qui gratte, peur de rater la Star Ac’ ou que sais-je). De plus, bien qu’il ait des compétences incroyables, il n’a que peu de moyens de se réconforter tout seul. Et parfois -une fois ses besoins de base satisfaits- même les bras aimants de ses parents ne suffisent pas à le réconforter. La seule solution est alors la succion dite non nutritive, c’est-à-dire le fait de téter sans manger. C’est d’ailleurs souvent utilisé en néonatologie pour soulager les bébés pendant les soins et éviter de les abrutir de médicaments analgésiques.

Comment alors satisfaire ce besoin de succion non nutritive ? A ma connaissance il y a quatre possibilités :

  • donner le sein
  • donner son petit doigt (ou celui du papa, pas de raison que ce soient toujours les mêmes)
  • donner une sucette/tototte/tétine/tututte/tutte/lolette
  • l’enfant prend son pouce

Chacune de ces méthodes a ses avantages et ses inconvénients, mais pour la dernière il est très rare qu’un poussin y arrive avant deux mois, et il faut généralement compter quatre-cinq mois. Donc elle ne s’applique pas dans les premiers mois, là où le besoin de succion est justement le plus intense (peu à peu les bébés arrivent mieux à se réguler, à relativiser, et à trouver d’autres sources de réconfort/distraction). Et si vous n’allaitez pas, la première méthode est a priori exclue.

Le sein : La stimulation quasi-permanente du mamelon assure une bonne production laitière (cette situation n’est cependant pas souhaitable pour tout le monde, rappelez-vous), et la succion du sein est la plus favorable au développement bucco-dentaire. Et on ne risque pas de confusion sein-tétine. Sans compter que c’est à peu près l’idéal en termes de germes et de maladies. Le facteur limitant est généralement la disponibilité de la mère : non, on n’est pas une mauvaise mère si on n’a pas envie d’avoir un nouveau-né pendu au sein 27h/24. Et si l’enfant doit être gardé, il va probablement falloir trouver une autre solution. Mais ça n’est certainement pas une raison pour jeter la pierre (à grands coups de « quoi ? encore au sein ? » et  » tu te fais littéralement bouffer par ce petit fourbe manipulateur ») à celles qui optent pour cette solution, bien au contraire, c’est d’encouragements qu’elles ont besoin.

Le doigt : a priori ne modifie pas les habitudes de succion de l’enfant. De plus comme cette situation est assez paralysante pour le parent, vous êtes sûr de ne pas en abuser et de ne l’utiliser qu’en dernier recours. Au niveau hygiène, il vaut mieux éviter après avoir changé une roue. Ceci dit, surtout si le poussin est allaité, il est protégé vis-à-vis de la flore de la mère, et si celle-ci échange suffisamment de bave avec le père, cela marche aussi pour lui. Par contre il est déconseillé que d’autres personnes que les parents donnent le doigt.

La sulfureuse tétine (*signe de croix*) : Vous permet de faire autre chose pendant que le poussin tète gentiment dans son coin. Par autre chose je ne veux pas forcément dire surfer tranquillement sur le net et vous faire une French pédicure (quoi que…), mais tout simplement prendre une douche, ou conduire jusqu’à la maison, sans que le poussin s’époumone harmonieusement comme si vous essayiez de lui sortir les yeux à la petite cuillère. Peut aider aussi le poussin à s’endormir tranquillement, parfois plus efficacement qu’une berceuse ou que mille deux cent quarante-trois tours de votre appartement dans les bras. Inconvénients : peut entraîner une confusion de succion et/ou une baisse de lait et mettre en danger l’allaitement. Certains poussins ne veulent pas en entendre parler. Accusée de nombreux maux (otites, caries, dents de travers, troubles du langage…), la réalité est en fait plus nuancée, comme le montrent les recommandations de la Société canadienne de pédiatrie. Autre problème : le poussin qui la perd et vous réveille dix-huit fois par nuit pour que vous la lui remettiez. Le manque de sommeil rend créatif, et des parents ont mis en place des tas de solutions : mettre vingt totottes dans le lit pour que l’enfant en trouve facilement une, mettre la tototte sur un élastique tendu en travers du lit, ou encore cette technique apparemment pas si imparable… Au niveau hygiénique, la tototte peut être lavée et stérilisée sans problème, mais que faire si elle tombe dans le métro et que vous n’en avez pas d’autre sous la main ? (réponse : se promener avec une quinzaine de sucettes sur vous) Et puis soyons francs, les bébés ne sont pas franchement mis en valeur avec cet anneau qui pendouille.

Le pouce/les doigts : Votre poussin a trouvé son pouce ? Personnellement c’est ma solution préférée : il l’a toujours sur lui et sait toujours où le trouver. Au niveau hygiène, on essaie de l’empêcher de manger nos chaussures et c’est déjà pas mal. Principal inconvénient : quand viendra le moment d’arrêter, on ne peut pas le contrôler et décider que maintenant c’est fini (enfin il existe des vernis répulsifs à mettre sur l’ongle, ou des remèdes de grand-mère charmants du style coudre la manche du pyjama…). Et au bout d’un moment apparaît une sorte de bouton à la base du pouce (apparemment ni gênant, ni grave).

Conclusion : que faire ? L’usage de la tétine ne devrait pas être systématique (notamment dans les maternités), et on ne doit pas vous l’imposer. Cependant, utilisée avec discernement, elle peut s’avérer précieuse au quotidien : même la Leche League le reconnaît. Ainsi, si vous allaitez, éviter de la donner tant que le réflexe de succion et la lactation ne sont pas bien établis, et n’hésitez pas à privilégier le sein (même temporairement) si l’un ou l’autre vous semblent compromis. Ne jamais tremper la tututte dans un liquide sucré (sauf cadre médical bien défini, notamment si elle est utilisée comme analgésique pour un soin douloureux). On peut aussi essayer de fournir une autre réponse (quand c’est possible bien sûr) : bras, berceuse, écharpe, promenade, etc avant de proposer la tétine. Quand le poussin grandit, on peut enfin commencer à lui proposer d’autres choses à tétouiller, comme un doudou qu’il pourra tenir et utiliser à sa guise (euh là niveau hygiène débarquement imminent de la DDASS…).

Si cela peut rassurer de jeunes parents à qui on prédit que leur poussin passera son bac tototte en bouche, le nôtre a été un véritable accro entre 1 (avant on lui donnait le doigt, les malheureux…) et 3-4 mois. Et je peux vous dire qu’il y a un certain nombre de moments où c’était la seule chose qui le calmait (même le sein qui débordait de lait n’y faisait rien). Ensuite il s’en est progressivement désintéressé et vers 5-6 mois la refusait complètement. Entretemps il a trouvé son pouce, qu’il prend uniquement quand il est fatigué ou quand il a faim. Evidemment, c’est un exemple et chaque poussin est différent. Enfin on n’a jamais vu personne passer son bac avec une tototte (passons sur les négociations au couteau avec le tonton ado du poussin qui voulait lui piquer ses tétines cet été…).

Donc comme toujours, je dirai : écoutez-vous, observez votre enfant, gardez l’esprit ouvert, trouvez votre rythme et vos solutions.

 

Que sont-ils devenus ? 11 avril 2008

Aujourd’hui un billet pour vous donner quelques infos et liens supplémentaires en rapport avec de précédents articles.

Allaitement (voir ici et ici) : suite au refus d’une crèche de donner du lait maternel après 6 mois, une pétition est lancée pour qu’une loi soit faite pour que ça n’arrive plus. On peut la signer ici.

Chaussons en cuir souple : Pour ceux qui habitent dans des contrées polaires, ou chez qui il y a du carrelage très très froid, et qui trouvent que les chaussons c’est un peu léger, je vous ai trouvé un lien aux petits oignons : des petits chaussons fourrés fabriqués à la main au TIbet, pour seulement 19.95 $ la paire (port compris). Il y a aussi des petites bottines à peine plus chères. Certes ça n’est plus trop la saison, mais vue la météo ça fait une bonne excuse pour dégainer la CB (je suis forte, je résiste, je suis forte, je résiste…). Et si le dollar venait à remonter, il vaut mieux profiter du cours avantageux maintenant (je suis forte, je résiste, je suis forte, je résiste…).

Aldo Naouri : Grâce au blog Faisons avancer les choses, je vous suggère d’aller voir l’article de Elle où Alix Girod de l’Ain (alias le Dr AGA pour celles qui lisent Elle) teste la méthode Naouri. Ecrit avec son humour habituel, et criant de vérité.

La technique magique du bain : Pas de lien en particulier, plutôt quelques observations (en conditions contrôlées) sur l’évolution de la technique avec l’âge du poussin. Et ce surtout si vous avez pris l’option « explorateur/Dr Livingstone » sur votre poussin (ou pas d’ailleurs, ce qui peut mener à certaines tensions dans le couple, pour savoir qui a coché cette foutue option). Bref. Une fois donc que le poussin commence à maîtriser sa position et à savoir en changer tout seul, vous pouvez le mettre directement assis dans le bain. Il y a aussi des chances qu’il ne veuille plus aller sur le dos (alors que c’est quand même la position la plus pratique pour lui laver les cheveux). L’avantage, c’est que quand il commence à se mettre debout, c’est carrément plus pratique pour le savonner (façon fouille au corps à la douane…). Moins pour le rincer cependant. L’inconvénient, c’est que la baignoire, ça glisse, alors je vous raconte pas les gamelles. Le dernier truc du poussin : on laisse couler l’eau pendant qu’il est dans le bain (arrêter l’eau avant qu’on ne voie plus la tête…). Gros gros succès : essayer de boire l’eau (en s’en mettant plein la figure), passer sa main dedans (en s’en mettant plein la figure), s’approcher (en s’en mettant plein la figure), éclabousser partout (en s’en mettant plein la figure). Bref l’éclate totale.

Je vous donnerai bientôt des nouvelles de mon expérience des couches lavables, que nous utilisons à plein temps depuis 2-3 semaines, mais j’attends d’avoir un peu plus de recul pour vous en parler.

 

La diversification alimentaire (2) 4 avril 2008

cuillere avion Après les grands principes, quelques idées d’ordre plus pratique.

D’abord, rien ne presse. Il s’agit d’introduire progressivement les aliments, plutôt que de donner un régime entièrement solide au poussin. Ne commencez pas parce que son copain de crèche a commencé, ou parce que votre belle-mère/mère/voisine/boulangère vous dit qu’il est temps. C’est vrai qu’on est souvent pressé de commencer, de voir grandir son poussin, mais quelques semaines peuvent faire une vraie différence pour lui. Comme pour tout, observez le poussin : est-ce qu’il tient bien sa tête ? est-ce qu’il est capable de porter des objets à sa bouche ? Ecoutez-vous, vous savez ce qu’il lui faut.

Dans le même ordre d’idée, mieux vaut introduire un nouvel aliment à la fois, séparément, pour que le poussin l’identifie en tant que tel. Cela permet aussi d’identifier d’éventuelles intolérances ou allergies. Si vous commencez d’emblée par patate-carotte-céleri-courgette et que ça ne réussit pas trop au poussin, vous ne pourrez pas identifier le coupable. Attendre quelques jours avant de passer à autre chose. Par contre, une fois que les aliments sont bien connus et tolérés, on peut faire sans problème des mélanges.

Il a donc été récemment prouvé que ça n’influait pas les risques d’allergie d’attendre pour introduire certains fruits et légumes. Par contre certains aliments acides (tomate, fruits rouges…), ou qui fermentent (chou…), peuvent donner mal au ventre. Il y a aussi les aliments qui constipent (carotte, pomme, riz…), et ceux qui au contraire stimulent le transit (épinards, pruneaux…), à utiliser avec discernement.

S’il refuse, pas la peine d’insister sur le moment. On a bien le temps plus tard de se prendre la tête avec les « reste à table », « goûte avant de dire que tu n’aimes pas » et « finis ton assiette » (voir ici pour un petit exemple). Mieux vaut éviter d’en faire déjà une épreuve de force. C’est aussi plus facile si vous n’essayez pas avec un poussin qui hurle de faim : il ne comprendra pas pourquoi il n’a pas son lait habituel et sera d’autant plus excédé.

Inutile d’assaisonner les plats au début. Le bébé n’a connu que le lait (même si le lait maternel change de goût en fonction de l’alimentation de la mère, ça reste du lait), la saveur de l’aliment lui suffit. Nous avons tendance à manger trop salé, trop sucré et trop gras, et n’ayez aucune crainte : votre poussin prendra ces habitudes aussi, ce n’est qu’une question de temps. Rien ne presse. Plutôt que de saler ou sucrer, on peut ensuite mettre des herbes, voire des épices pour donner plus de saveur. Si vous allaitez et que vous avez l’habitude de manger épicé, n’hésitez pas à relever un peu une purée si elle est refusée : par le lait le poussin a été habitué à des goûts plus forts.

Méfiez-vous des produits industriels. Je ne veux pas dire qu’il ne faut pas acheter de petits pots, au contraire, c’est bien pratique, mais qu’il faut garder un esprit critique. C’est à vous de décider ce que vous voulez donner au poussin et de choisir ce qui vous convient. Ce n’est pas parce qu’il y a écrit « à partir de 4 mois » sur une préparation que votre enfant en a besoin dès ses 4 mois. Personnellement je rajoute généralement un à deux mois aux âges indiqués. Ils ont aussi tendance à faire beaucoup de mélanges, ce qui n’est pas toujours heureux dans un premier temps. Donc lisez bien les étiquettes. Quant aux quantités, il n’y a pas de raison particulière pour que poussin finisse son petit pot donc ne le forcez pas à finir (ou resservez-le s’il en veut plus). C’est indicatif ! Un autre truc que je n’ai pas testé mais qui a l’air pas mal : les menus bébé surgelés (mais moins pratique pour vadrouiller).

Pour info, d’après mon pédiatre (ça vaut ce que ça vaut), on ne passe au lait 2ème âge que lorsque le poussin mange de la viande. Le lait 2ème âge est moins complet que le 1er âge, donc plus que l’âge c’est le régime alimentaire qui détermine lequel utiliser.

De quoi a-t-on besoin concrètement ? Le minimum est un bon bavoir (à manches si vous avez prévu de faire manger le poussin tout seul), en plastique c’est pratique car se nettoie d’un coup d’éponge et une cuillère adaptée, en plastique ou silicone (pour commencer certains parents proposent la purée sur leur doigt). Si c’est vous qui donnez la becquée (oui il y a des courageuses qui laissent le poussin se débrouiller), pas besoin d’une assiette spéciale. Il vaut mieux que le poussin soit assis et face à vous, donc une chaise haute ou dispositif équivalent rend bien service (surtout avec habillage plastifié facile à nettoyer). Vous pouvez aussi prévoir un tablier pour vous…

Si on veut faire soi-même des purées, il faut pouvoir cuire les légumes (et la viande) à la vapeur et les mixer. Si vous avez déjà ce genre de matériel, le babycook n’est pas obligatoire mais il peut être bien utile sinon (personnellement je survis très bien sans). Vers 8-9 mois, on peut commencer à écraser les aliments à la fourchette et à laisser des petits morceaux (marche mieux avec les carottes qu’avec les petits pois…). Ce qui est limite indispensable c’est un congélateur (et un micro-onde). Comme ça on peut faire un gros stock de purée et le congeler (voir la méthode pratique ici), puis on ressort les cubes quand on en a besoin. Personnellement je congèle des purées nature avec un seul aliment et quand je les décongèle je fais éventuellement des mélanges et j’assaisonne, ça permet de varier. Pour le jambon, je vous rappelle ce petit truc. Et sachez que beaucoup d’aliments se mixent mieux si on rajoute un peu d’eau (ou de lait).

On peut mettre la purée dans le biberon avec du lait, c’est évidemment plus rapide que de donner l’un puis l’autre (surtout à la cuillère), mais personnellement je ne suis pas fan : après tout si on allaite (et rappelons-nous que c’est le biberon qui imite le sein et non l’inverse…) on ne va pas se mettre de la purée dans les seins. De la même façon je n’aime pas faire du gloubiboulga en mixant ensemble viande et légumes. Mais c’est personnel, chacun fait comme il l’entend.

On entend parfois dire qu’il vaut mieux donner des petits pots dont les ingrédients sont parfaitement contrôlés que de faire ses purées. Je n’en suis pas persuadée, surtout quand on voit tout ce qui est rajouté dans les petits pots (sans compter le goût), et si ça vous tracasse vous pouvez toujours acheter des fruits et légumes bio. Privilégiez au moins ceux qui sont produits dans l’Union européenne où les pesticides sont bien contrôlés (même si ceux qui sont importés sont théoriquement soumis à des tests). Les légumes « racine » (carotte, betterave…) et « feuille » (épinards…) sont de vrais buvards à nitrate, mieux vaut les prendre bio (même si le risque d’une overdose de nitrate par l’alimentation est quasiment inexistant).

Enfin, comme le disait Anne dans le volume 1, on se prend beaucoup la tête pour le premier, et ensuite les autres mangent la tartine de Nutella des aînés et ne s’en portent pas plus mal…

(image : http://www.objetdujour.com/blog/images/Alimentation/Cuill%C3%A8re%20Avion.jpg)

 

La diversification alimentaire (1) 2 avril 2008

Suite à la demande de kim/helene, j’aborde aujourd’hui ce sujet épineux. Un vaste débat, sur lequel les spécialistes s’écharpent copieusement, et sortent sans ciller des déclarations strictement contradictoires à quelques années d’intervalle. De quoi s’arracher les cheveux. Et en attendant il faut bien nourrir nos poussins, dans un contexte où on nous abreuve déjà de recommandations alimentaires contraignantes en continu avec à la clé les pires menaces pour notre santé si on ne les suit pas rigoureusement. Le stress total.

J’ai poussé le sens du sacrifice jusqu’à acheter le magazine Parents de ce mois-ci (bon OK j’ai un penchant coupable pour la lecture de magazines, de préférence à faible valeur intellectuelle ajoutée), qui consacre un article aux nouvelles règles de la diversification. Celui-ci est basé sur un papier récent pondu par le comité Nutrition de la très sérieuse European society for paediatric gastroenterology, hepatology and nutrition (ESPGHAN), qui s’est lui-même largement inspiré des recommandations de l’OMS. A priori, il s’agit donc des connaissances scientifiques les plus précises et les plus pointues du moment. Par ailleurs ils reconnaissent de fortes variations dans les recommandations et les pratiques adoptées tant entre pays européens qu’au sein de chaque Etat. C’est vous dire l’imbroglio !

Pour une fois la plupart des études qui ont conduit à ces recommandations ont été faites sur des enfants allaités, et les auteurs reconnaissent qu’il y a très peu d’infos sur ceux nourris au lait maternisé. Cependant, même si des différences sont probables, ils préfèrent proposer des recommandations générales pour éviter d’ajouter à la (grande) confusion déjà en place. Et au passage ils signalent que l’OMS a publié de nouvelles courbes de croissance pour les enfants allaités, sauf que je n’ai pas réussi à mettre la main dessus, grmbl.

Voici leurs principales recommandations :

  • Il est souhaitable d’allaiter exclusivement jusqu’à 6 mois. Ne pas introduire d’autre aliment (solide ou liquide) que le lait (maternel ou maternisé) ou l’eau avant 17 semaines, et commencer au plus tard à 26 semaines
  • Attendre pour introduire des aliments potentiellement allergènes (comme le poisson et l’oeuf) n’a pas montré d’efficacité pour éviter les allergies, même chez les enfants « à risque ». Par contre l’allaitement exclusif jusqu’à six mois est la prévention la plus efficace.
  • Pendant la diversification, plus de 90% des besoins en fer de l’enfant doivent être couverts par les aliments solides, qui doivent donc être riches en fer.
  • Ne pas remplacer le lait maternel ou maternisé par du lait de vache avant un an, notamment à cause de sa faible teneur en fer
  • Il vaut mieux introduire le gluten entre 4 et 7 mois, de façon progressive et de préférence pendant que l’enfant est encore allaité, pour réduire notamment les risques d’allergie et de diabète.
  • Les bébés végétariens doivent consommer un minimum de 500 ml par jour de lait et produits laitiers, et un régime végétalien n’est pas recommandé pour eux (ni pour leur mère si elle allaite exclusivement).

D’autres idées et constatations intéressantes glanées lors de la lecture de ce papier :

  • Forcer un enfant à manger un aliment tend à augmenter son aversion pour celui-ci, tandis que l’interdiction d’un autre va le rendre plus désirable (ce sont des observations statistiques, pas un simple raisonnement logique !).
  • Les nouveaux-nés sont naturellement attirés par le sucré, mais la nourriture qui va leur être donnée peut significativement atténuer cette tendance.
  • Sans surprise, les boissons sucrées et jus de fruit ne sont donc pas recommandées, et surtout pas dans un biberon au lit (notamment pour le risque de carie).
  • Les très jeunes enfants doivent avoir au moins 25% de gras dans leur alimentation (une grande partie est fournie par le lait), surtout s’ils mangent peu ou sont sujets à des infections chroniques.
  • Au niveau du développement psycho-moteur, les auteurs considèrent que vers 6 mois le poussin sait manger à la cuillère (plutôt que d’en téter le contenu, en gros), vers 8 mois peut « gérer » de la nourriture grossièrement hâchée, avec de petits morceaux, et entre 9 et 12 mois acquière la capacité de se nourrir et de boire seul, surtout avec les doigts. A ce moment-là, il peut commencer à avoir un régime très proche de celui du reste de la famille.

Voilà donc l’état de l’art de la science sur le sujet, ça ne veut pas dire qu’il faut tout suivre aveuglément (d’autant plus qu’on risque de nous dire encore autre chose dans quelques mois/années). Mais au moins on peut faire ses choix en connaissance de cause. Dans un prochain billet, quelques idées d’ordre plus pratique.

 

Les parents sont-ils nuls ? 25 mars 2008

Filed under: Education,J'avoue — poulepondeuse @ 8:56
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super nanny Si vous traînez un peu sur la blogosphère bébé/enfant, vous n’avez pas pu échapper à une récente interview d’Aldo Naouri, pédiatre médiatique, dans Elle. Si elle n’est plus en ligne, vous en trouverez une retranscription ici, ainsi qu’une autre de ses bafouilles pour le Point (avec commentaires de la blogueuse). Son but principal semble être de redonner l’autorité aux parents, ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose, même si certaines de ses méthodes feraient passer Super Nanny pour une baba cool portée sur le hasch (genre supprimer le doudou ou la tétine à deux ans précis, sans préavis ni explication, ou introduire des horaires de repas militaires après 3 mois).

Ce qui me fait halluciner, ce n’est pas tant le contenu de ses propos, mais l’arrogance de ce genre de personnage, qui à la fois accuse les parents de se laisser mener en barque par leurs enfants et en même temps les infantilise en leurs posant des tas de normes et d’interdits sur les sujets les plus personnels. On en arrive au point où il vous dit combien de fois dire « je t’aime » à votre enfant. Vous imaginez demander à votre gynéco ou à votre médecin traitant combien de fois par jour dire « je t’aime » à votre tendre moitié ? Non, évidemment, c’est un équilibre que vous avez trouvé tout seuls comme des grands. Parce que dans la vie de tous les jours, qu’il s’agisse de votre boulot, de votre couple ou de vos prochaines vacances, vous savez vous débrouiller seul, sans que tout le monde vienne y mettre son grain de sable.

Mais dès qu’il s’agit d’éducation, tout le monde s’érige en expert et se mêle de donner des conseils à gogo, sans se soucier qu’ils soient contradictoires ou surtout fort mal à propos. Les pédiatres notamment, parés de l’autorité médicale, tendent (surtout pour certains cas médiatiques) à outrepasser leur rôle : il n’est certes pas évident de définir la limite entre éducation, santé et bien-être, mais vous dire que votre enfant ne devrait plus prendre la tétine là maintenant tout de suite, devrait prendre 30 ml de lait de plus ou de moins, ou devrait le prendre à 16h et pas à 16h15, no comment. Et par-dessus le marché, on accuse les parents de démissionner devant leurs enfants et de ne plus avoir d’autorité. Croit-on vraiment qu’un parent sera plus respecté par son gosse s’il fait « comme on lui a dit » (même s’il ne voit pas très bien pourquoi ou comment) ? Les enfants ne sont pas stupides, loin de là, et sont très forts pour vous mettre devant vos propres contradictions.

Evidemment, c’est au pédiatre de vous transmettre les dernières connaissances scientifiques (comme « coucher un enfant sur le dos diminue les risques de mort subite du nourrisson », ou « donner du beurre de cacahuète à un enfant de 4 mois risque de le rendre allergique et/ou obèse »), et ces conseils sont souvent utiles et salutaires. C’est vrai qu’on se retrouve souvent parfois en panique devant ce truc bizarre qu’est le bébé, dont on a mystérieusement oublié de nous communiquer le mode d’emploi. On est alors prêt à croire la première personne qui a l’air de détenir LA solution miracle. Autant vous le dire tout de suite : c’est comme la recette magique pour maigrir sans régime et sans sport, ça n’existe pas. Et au final, c’est à vous de faire le tri dans tous ces conseils et ces idées, car c’est vous qui savez ce qui est le plus important pour vous et pour votre enfant, ce qui va marcher pour votre famille. Pour les trucs vraiment graves (genre « ne pas balancer son enfant par la fenêtre »), il y a la loi et les services sociaux.

Alors s’il vous plaît, mesdames et messieurs les donneurs de leçon, arrêtez de nous prendre pour des buses, merci, on sait très bien comment élever nos enfants, mais on finirait presque par l’oublier à force de se faire répéter à longueur de journée qu’on est incompétents.

 

Bébé dis-moi qui tu es 14 mars 2008

Filed under: 0-3 mois,Bibliothèque,Education,Grossesse,Tests — poulepondeuse @ 2:10

grandsenne Aujourd’hui un chouette livre à lire plutôt quand on est enceinte (ou futur papa) : Bébé dis-moi qui tu es de Philippe Grandsenne. En plus il existe en poche donc pas très cher (5,61€ chez les grands libraires online). L’auteur est pédiatre en maternité et en cabinet privé (le même que ma gynéco, incroyaaaaaable non ?). Son credo : les parents n’ont pas la moindre idée de quoi faire avec leur bébé, mais ça n’est pas grave puisque le bébé lui sait très bien ce qu’il lui faut. Il suffit donc d’être attentif à ses signaux et de répondre à ses besoins lorsqu’il le demande. L’auteur se concentre sur la période des cent jours qui suivent la naissance, à l’issue desquels selon lui les enfants se règlent tout seuls, notamment pour la nourriture et le sommeil. Il préconise donc pendant cette période de suivre entièrement le rythme du poussin : nourriture à la demande tant pour les horaires que pour les quantités, pas d’interférence avec le sommeil, et ne pas laisser pleurer l’enfant. Pour ce dernier point notamment, il enfonce bien le clou sur les prétendus caprices et autres manipulations dont seraient coupables les nouveaux-nés. C’est également un ardent défenseur de la parole, dont il explique qu’elle est bien mieux comprise par les poussins que ce qu’on croit généralement. Il insiste aussi sur le fait que la médecine ne doit intervenir qu’en cas de pathologie avérée, et que ce sont les parents qui savent le mieux ce qui est bon pour leurs enfants. Le livre comporte enfin un certain nombre de conseils pratiques (sur la conservation du lait par exemple) et une liste un peu fastidieuse de tous les petits trucs qui peuvent affecter un nouveau-né (acné, ictère, etc).

J’ai bien aimé ce livre car je trouve qu’il aide les parents à prendre confiance en eux (surtout les premiers). C’est un soutien quand on vous dit « mais laisse-le pleurer, tu vas lui donner de mauvaises habitudes », ou même quand l’idée se glisse insidieusement en vous. L’idée d’un seuil à trois mois est séduisante, et beaucoup de parents constatent une transition à ce moment. Malgré tout c’est assez progressif et je dois dire que pour le poussin son calage était plus 3 mois 1/2 – 4 mois. Je dois ajouter que contrairement à ce qu’il dit il y a des bébés qui ne savent pas s’arrêter de téter et mangent trop : la preuve ils vous dégobillent tout dessus trois minutes plus tard.

Finalement une lecture qui fait du bien, et dont on regretterait presque qu’elle ne couvre que trois mois.

 

Give me a sign 12 mars 2008

Filed under: 12-24 mois,6-12 mois,Education,Tests — poulepondeuse @ 2:11
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(attention une référence culturelle musicale de haute volée s’est cachée dans le titre)

signe

Je crois que je ne vais pas tester pour vous : signer avec bébé. Mais reprenons depuis le début. Au cas où vous ne l’auriez pas encore remarqué, j’aime bien zoner sur le net et chercher toutes les nouvelles idées pour me dépatouiller avec mon poussin. Donc fatalement, j’ai fini par tomber sur cette idée : avant que l’enfant n’acquière le langage parlé, on peut lui apprendre des rudiments de langue des signes pour qu’il puisse communiquer plus facilement. Génial, me dis-je : enfin je vais savoir s’il veut encore de la purée, ou plutôt aller changer sa couche. Pour une fois en prime je convaincs le coq de participer à ma dernière lubie. Donc nous allons sur un joli site internet apprendre quelques signes de base (j’adore « papa ») et commençons à assortir nos phrases de gestes façon De Funès dans Rabbi Jacob. Jusqu’ici, tout va bien.

J’en parle avec enthousiasme à ma mère, elle trouve ça naze. Je relativise (entre autres parce qu’elle m’avait aussi dit que je pouvais rentrer de la maternité en voiture avec le poussin dans les bras si le coq ne conduisait pas trop vite). Mais le doute s’est insinué. Deux jours plus tard, je me rends dans un éminent laboratoire de psychologie de l’enfant afin de leur prêter le poussin comme cobaye. Oui, je suis comme ça moi, prête à tout pour la science. En plus on n’a rien eu en échange, même pas un café pour moi. Bref, je profite de ce que je suis avec des pros pour leur demander leur avis.

Eh bien, comme l’avait laissé entendre ma mère, leur opinion est formelle : ça ne servirait à rien. Gloups. La science est formelle : les enfants savent très bien faire comprendre leurs besoins basiques à leurs parents. Effectivement, j’ai réalisé qu’avec 90% de succès environ, le coq et moi savons s’il faut nourrir, changer (l’odeur… quoi que avec les lavables on sent beaucoup moins) ou coucher notre poussin. Et puis la période entre premiers signes et premiers mots serait assez courte, quelques mois au plus.

Du coup, naïfs et influençables comme on est, on a laissé tomber. Je laisse quand même les liens sur le sujet (voir la petite boîte « sites utiles » sur le côté), si il y en a que ça tente. Et je serais très intéressée par les témoignages de ceux/celles avec des enfants plus grands : vous avez essayé ? ou vous pensez que ça aurait pu vous servir ? Les commentaires sont ouverts.

(photo : http://www.forbaby.com.au/modules/babynews/article.php?id=4)

 

Travailler ou rester à la maison ? 1 mars 2008

Filed under: Education — poulepondeuse @ 7:35
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DH Tel est le dilemme face auquel se retrouvent la plupart des jeunes mamans (bizarrement les pères se sentent moins concernés). Si cela peut vous aider, une étude récente publiée dans le Times britannique a montré que les mères qui travaillent sont en moyenne plus heureuses que celles qui restent au foyer. Ceci expliquerait peut-être aussi pourquoi la France a à la fois une haute fécondité (2.0 enfants par femme, le taux le plus élevé d’Europe d’après l’INSEE) et un taux élevé de mères qui travaillent (78% des mères de deux enfants en 1990, 85% des mères d’un enfant aujourd’hui, d’après le Monde diplomatique).

Evidemment, ça ne veut pas dire que toutes les mères au foyer sont malheureuses et que toutes les femmes qui travaillent sont folles de joie. Malgré tout, il me semble que dans la structure sociale actuelle, très centrée sur les familles nucléaires, on peut plus facilement ressentir un sentiment d’aliénation à rester seule toute la journée avec un bébé, que dans une société plus traditionnelle où la famille s’insère au quotidien dans une communauté plus large.

En parallèle émerge une nouvelle tendance : des mères « au foyer » qui s’investissent dans de nouvelles activités, comme fabriquer des objets ou vêtements pour bébé qu’elles vendent sur internet, ce qui est beaucoup plus souple pratiquement et financièrement qu’ouvrir une boutique. Par exemple Bébésouleil, qui propose porte-bébés (j’ai commandé un BBtube, j’espère le recevoir bientôt pour vous en dire plus) et vêtements pour enfants, ou encore Ptit popotin qui vend des couches lavables, bavoirs, vêtements et autres. Et le site Ptits dessous dont je vous ai parlé a été créé par une maman qui est depuis une véritable patronne de PME si j’en crois leur page de présentation. Et si vous êtes allergique au « Made in China », ça peut être une solution pas trop onéreuse. Personnellement je ne suis pas prête à me lancer dans ce type d’aventure, car je me trouve face à une machine à coudre comme un dromadaire devant une paire de skis (et quand ma mère -qui n’a toujours pas renoncé, gloire à elle !- me parle cannette, je pense « à l’orange »).

Pour en revenir à l’étude dont je vous parlais, ce qui m’a vraiment interpelée c’est cette petite phrase, quasiment inaperçue à la fin :

The researchers also discovered that children in a household bring no increase in life satisfaction for men. Among women, it increases only when children start going to school.

Donc les hommes britanniques interrogés pour cette étude n’ont pas trouvé que leur vie était plus belle après l’arrivée de leur(s) enfant(s), quant aux femmes apparemment elles n’en profitent qu’une fois expédiés à l’école. Je n’arrive pas à y croire, et j’en viendrais presque à douter de la validité de l’étude tellement je trouve ça triste. Et vous ?

 

Le concept du continuum 11 février 2008

Continuum Comme beaucoup de parents, je lis un peu tout ce qui me tombe sous la main lorsqu’il s’agit d’éducation et de comment s’y prendre avec nos poussins. En général, ce qui me plaît le plus, ce sont les auteurs qui prônent grosso modo de faire selon son intuition sans trop se prendre la tête (ahem, d’où l’intérêt de lire ce genre de bouquin…). Récemment j’ai voulu en savoir plus sur le concept du continuum, la bible du maternage. Pour vous rassurer immédiatement sur ma crédibilité de blogueuse, je ne l’ai pas lu. Malgré tout, j’ai fait un grand tour sur le site officiel et je pense en avoir retiré la substantifique moëlle. N’hésitez pas à me reprendre dans les commentaires et à nous faire profiter de votre expérience.

L’auteur, Jean Liedloff, a participé à plusieurs expéditions au Venezuela où elle a pu partager la vie des Indiens Yequanas dans la forêt amazonienne. Ayant constaté à quel point ce peuple et en particulier leurs enfants avaient l’air heureux et paisible, elle a tenté de comprendre les bases de leurs principes d’éducation. Voici les principaux points qu’elle a développés :

  • le bébé doit être depuis la naissance en contact physique permanent avec sa mère ou une autre personne ; il ne doit quitter les bras (ou un porte-bébé) que vers 6-8 mois lorsqu’il commence à se déplacer
  • il doit dormir dans le lit de ses parents (avec les parents bien sûr) jusqu’à ce qu’il le quitte de sa propre initiative (généralement vers 2 ans)
  • il faut l’allaiter complètement à la demande
  • on doit répondre immédiatement à ses demandes (faim, sommeil, câlin, etc) sans dévaluer l’enfant comme pénible, mais sans non plus en faire le centre de l’attention

Bon, autant vous dire que ça ne me paraît pas transposable tel quel au mode de vie occidental (au mien en tout cas). En même temps, ça n’est pas très grave, car notre mode de vie n’est pas celui des Yequanas, donc il ne me semble pas choquant que les enfants y soient préparés différemment. Ce qui me semble le plus intéressant, c’est le dernier point, celui qui à mon sens est le corps de cette théorie.

L’idée de répondre à la demande aux besoins de l’enfant (ou au moins du nouveau-né) est de plus en plus populaire en Occident. Cette pratique centrée sur l’enfant peut tendre à le mettre sur un piédestal et à lui donner un sentiment de toute-puissance. Pour Jean Liedloff, c’est nocif. L’enfant a besoin de sentir que l’adulte qui s’en occupe sait ce qu’il fait et ce qu’il veut, et pas qu’il recherche son assentiment pour chaque acte simple du quotidien. En outre, c’est l’enfant qui doit s’intégrer dans la vie de ses parents et non l’inverse. Elle prône ainsi que les parents vaquent à leurs activités habituelles en compagnie de l’enfant sans chercher ni à en faire le centre ni à le repousser. Si au cours de cette activité l’enfant manifeste un besoin, il faudrait y répondre simplement puis retourner à cette activité dès que le besoin est satisfait, voire si c’est possible continuer ce qu’on faisait en s’occupant de l’enfant. Pour elle, les enfants sont naturellement sociaux, c’est-à-dire que leur disposition innée est de collaborer avec les adultes et de participer à leurs activités.

Je trouve ceci extrêmement intéressant pour plusieurs raisons. D’une part, cela va à l’encontre de l’idée reçue selon laquelle une éducation plutôt fusionnelle et à l’écoute de l’enfant devrait obligatoirement créer de petits tyrans. D’autre part, je suis largement déculpabilisée de tous ces moments où je suis avec mon poussin sans vraiment m’occuper de lui (sans parler de toutes ces tétées pendant lesquelles j’ai bouquiné, parlé au téléphone, regardé la (trash) télé… shame on me !).

Evidemment, tout ceci est très séduisant sur le papier : des enfants calmes et heureux, des parents qui n’élèvent jamais la voix… N’oublions pas que les Indiens Yequanas vivent quasi-nus (« tu vas mettre tes chaussures oui ! »), n’ont pas de canapé Roche Bobois en soie sauvage écrue (« aaaaah nooooooon pas le nutella »), ne doivent pas aller à l’école ou chez le pédiatre (« dépêche-toi maintenant on est en retard »), et n’ont pas de gadgets coûteux (« arrrgll mon iphone dégouline de bave »). En prime ils profitent d’une structure sociale resserrée où la mère peut facilement confier son enfant à sa famille ou à d’autres enfants plus grands.

Malgré tout, ces pistes me semblent intéressantes. Quelqu’un a testé ?

 

Le retour des régleuses ? 1 février 2008

Bébé interditIl y a quelques mois, une émission anglaise « Bringing up baby » défrayait la chronique en proposant à plusieurs familles les services d’experts pour les aider à s’occuper de leur nouveau-né. Le concept de l’émission en lui-même est déjà dérangeant : utiliser des bébés tout juste rentrés de la maternité comme cobayes et comme aimants à audimat attirerait de ce côté de la Manche les foudres du CSA (espérons-le) .

Mais le plus choquant dans ce programme était la présence de Claire Verity, la nounou des stars (Jerry Hall et Sting auraient eu recours à ses services, pour la modique somme de £1000 par jour !). Cette femme (qui n’a pas eu d’enfants) part du principe que le bébé est un ennemi qui vient déranger votre routine quotidienne, et qu’il ne faut pas se laisser manipuler par un être si retors. Au programme : biberon toutes les quatre heures, en évitant de rencontrer le regard de l’enfant (allaitement fortement déconseillé), pas plus de 10 minutes de câlin par jour, mettre le bébé dans sa chambre de 19h à 7h et ne pas intervenir (éventuellement les premières semaines un biberon par nuit est toléré). Et entre les biberons : mettre le bébé dehors dans son landau pendant que ses parents restent à l’intérieur à vaquer à leurs occupations (au moins les cris sont moins pénibles).

Ainsi, si on ne répond jamais à ses pleurs, le nouveau-né comprendra rapidement qu’ils ne servent à rien et cessera de pleurer. Et il arrêtera d’emmerder ses parents qui pourront à peine rentrés de la maternité organiser une petite sauterie et siroter tranquillement un mojito bien frappé avec leurs amis pendant que le petit chieur se tient à carreau dans sa chambre.

Actuellement, de telles propositions paraissent choquantes, et heureusement la politique générale dans les maternités et chez les pédiatres français privilégie la proximité entre la mère et son enfant et prône nourriture et sommeil à la demande. Mais jusque dans les années 1960, ces pratiques étaient assez répandues chez nous, notamment dans la bourgeoisie où les mères avaient recours à des régleuses, qui s’occupaient -comme leur nom l’indique- de régler les horaires du bébé. Celui-ci devait manger ce qu’on lui proposait quand on le lui proposait, et ne plus se réveiller la nuit (ou plutôt de ne plus réveiller ses parents). Or on sait maintenant, après les travaux de Spock (pas celui avec les oreilles pointues), Winnicott, Brazelton et bien d’autres, que l’affection et le contact sont aussi essentiels à un nouveau-né que le lait ou le sommeil.

Personnellement, je considère les pratiques de Claire Verity comme de la maltraitance. Et je trouve inadmissible que ce soit présenté en prime time comme une méthode possible pour élever son enfant (et pourtant je suis une vraie fan de la trash TV, mais tant que les participants sont majeurs et consentants). Attention, je ne dis pas que chaque point pris séparément constitue une maltraitance (quoi que de laisser un bébé hurler de faim….) ou qu’il est mal d’essayer d’établir une routine avec son bébé. Mais honnêtement, pourquoi s’emmerder à faire un enfant si c’est pour le considérer comme un petit chieur à dresser le plus vite possible et l’enfermer dehors toute la journée ? Dans ce cas-là, autant prendre un pit-bull.