La basse-cour de la poule pondeuse

Avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants

Eviter et soigner l’engorgement 24 février 2008

bouchon Suite à mes promesses d’hier, voici quelques pistes concernant l’engorgement et ses copines, mastite et lymphangite. Concrètement, de quoi s’agit-il ? Vous sentez une tension désagréable dans une partie du sein, qui peut devenir rouge et gonflée (oui, encore plus que le reste, c’est possible !). Cette tension ne disparaît pas après la tétée (peut s’atténuer puis revenir). C’est généralement un (ou plusieurs) canal lactifère qui est bouché et par lequel le lait ne peut plus s’écouler. Dans certains cas, le bébé n’arrive même pas à faire sortir de lait du sein concerné. Et si vous ne faites rien, ça risque de dégénérer en infection, plus communément appelée mastite ou lymphangite, avec fièvre et autres joyeusetés. C’est surtout fréquent dans les deux-trois premiers mois, quand l’allaitement n’est pas bien régulé, mais ça peut aussi arriver aux vieilles routières.

D’abord, comment éviter une situation somme toute assez pénible ? Tout simplement en évitant le trop-plein : bien alterner les deux seins, et si le bébé saute une tétée, ne pas hésiter à tirer un peu de lait (manuellement ou au tire-lait) si les seins sont tendus. Pas forcément l’équivalent d’une tétée entière, juste de quoi soulager la tension. Evitez aussi de porter des soutien-gorges trop serrés qui vous scient le sein en deux (plus facile à dire qu’à faire quand on fait soudainement du 95 I, je suis bien d’accord). Si vous décidez de sevrer votre poussin, allez-y progressivement (attendez plusieurs jours avant de supprimer une autre tétée) et évitez de supprimer deux tétées consécutives.

Dès que vous sentez les premiers symptômes, prenez immédiatement les choses en main. N’arrêtez surtout pas de faire téter l’enfant, bien au contraire, et ne négligez pas l’autre sein pour autant. Sachez que la zone la plus stimulée du sein est celle au-dessus de laquelle se trouve le menton du poussin. Donc à vous de faire votre propre kama-sutra de l’allaitement pour favoriser le drainage de la zone. Et c’est en tout début de tétée que la stimulation est la plus forte. Vous pouvez « accompagner » en massant la zone douloureuse pendant la tétée.

Entre deux, pour diminuer l’inflammation, appliquez du froid ou du chaud (selon ce qui vous soulage le mieux), et glissez (attention minute glamour) une feuille de chou dans votre ravissant soutien-gorge d’allaitement. Vous pouvez aussi appliquer une pommade du style Osmogel mais à nettoyer soigneusement avant la tétée car pas top pour le poussin. C’est aussi une excuse en or pour vous vautrer dans le canapé pendant que Chéri fait la vaisselle, car le repos est fortement recommandé par la faculté.

Si les symptômes persistent, voire s’aggravent, consultez au plus vite, mais pas n’importe qui. Beaucoup de médecins sont encore hélas peu au fait des subtilités de l’allaitement, et on risque de vous prescrire d’arrêter l’allaitement, ce qui serait dommage et n’arrangerait pas vraiment votre problème. Donc visez plutôt votre maternité ou une sage-femme libérale ; peut-être une consultante en lactation, mais ne les ayant pas fréquentées je préfère ne pas me prononcer sur le sujet. Lorsque cela m’est arrivé, une gentille sage-femme est venue chez moi pour me traire faire un massage drainant. Ça n’est pas très agréable, mais c’est souverain.

(image : http://www.smtc90.fr/upload/smtc/embouteillage.jpg)

 

Allaiter un morphale : quelques pistes de survie 23 février 2008

jaws Tous les conseils et préconisations autour de l’allaitement visent généralement à prévenir et à corriger deux problèmes : un bébé qui ne tète pas bien et/ou pas assez et une mère qui n’a pas assez de lait. C’est tout à fait normal et souhaitable puisque ces soucis peuvent facilement conduire à un abandon précoce et souvent mal vécu de l’allaitement, voire à un risque pour la santé de l’enfant qui perd trop de poids. Mais on ne parle à peu près jamais du « couple » à l’autre bout de l’échelle : Jaws, le bébé morphale aux mâchoires d’acier et sa mère la Prim’Holstein. Comme vous vous doutez, la poule pondeuse et son poussin appartiennent (ou plutôt appartenaient) à cette dernière catégorie. Et c’est uniquement à cette catégorie que les quelques conseils de cet article s’adressent. Je n’ai aucune compétence pour les autres, sinon celle de les adresser aux autorités compétentes justement.

Comment savoir si vous faites partie de cette merveilleuse communauté ? Commençons par Jaws, le prédateur en couches-culottes. A peine frais émergé du ventre maternel, il s’est rué sur votre sein comme la vérole sur le bas-clergé. A la maternité, tout le personnel ébahi constate son incroyable force de succion, et vous vous attendez presque à voir débarquer dans la chambre une délégation menée par le chef de service pour lui remettre la médaille du Téteur de Platine. Il n’est pas à l’air libre depuis 48 heures qu’il a déjà exploré tout le ventre et les pectoraux paternels à la recherche d’un sein nourricier. Votre coq favori arbore d’ailleurs un magnifique suçon sur le bras, et ça n’est pas votre œuvre (on se doute que vous avez autre chose à faire). D’ailleurs vous avez tendance à lui laisser le jeune piranha plus souvent qu’à son tour, vu qu’à moins d’1 mètre de votre généreux décolleté, alléché par l’odeur, il (le bébé, pas le papa) ouvre un large bec et pousse des cris de volume croissant jusqu’à ce que vous colliez votre téton dans le bec en question. D’ailleurs il aura dépassé son poids de naissance avant la fin de sa première semaine.

Et vous ? Si bien stimulée par les mâchoires d’acier, votre montée de lait arrive dans les 48 heures. A partir de là, vous découvrez que telle le Petit poucet, vous semez non pas des miettes mais des gouttes de lait partout où vous allez. Vous consommez 4 paires de coussinets d’allaitement ultra-absorbants par jour et ne quittez votre soutien-gorge que pour la douche sous peine de vivre dans une mare de lait permanente. Quand le poussin prend le sein, il commence par s’étrangler pendant 5 minutes tellement la pression est forte (quand vous lisez que le biberon est une invention infâme car l’enfant ne contrôle pas le débit de lait, ça vous fait doucement rigoler). Si vous aviez réussi à joindre le lactarium, vous seriez probablement devenue leur nouvelle meilleure amie. En attendant, porter une coquille recueil-lait sur un sein pendant que le bébé tète l’autre vous suffit à remplir un 125 ml par jour.

Vous y êtes ?

D’abord on dit généralement que dès qu’un bébé manifeste l’envie de téter, il faut le mettre au sein. Dans votre cas, ce n’est pas forcément la meilleure idée. Les bébés ont en effet pour la plupart besoin de succion non nutritive. Et dans votre situation, entre l’efficacité du poussin et votre débit de lait, dès que le bébé est au sein, il mange. Il ne sait pas « tétouiller », c’est-à-dire mâchonner le sein sans manger. Et votre sein ne semble jamais se tarir. Cerise sur le gâteau, si vous le laissez au sein trop longtemps il va vomir toute sa tétée. Vous découvrez que cet estomac n’est finalement pas sans fond. Ô joie, ô bonheur, vous pensez l’avoir enfin rassasié pour plus d’1h30, et à la place vous (votre poussin, votre lit, votre fauteuil…) baignez dans du lait à peine digéré. Quant au poussin, il a l’estomac vide. Donc une demi-heure plus tard, il a encore faim. Et vos seins, si bien stimulés, vont produire encore plus de lait. Vous songez à vous vendre comme nourrice pour quintuplés mais vos pauvres tétons écrabouillés aimeraient bien avoir un temps de répit.

Donc dans votre cas, il faut que le bébé puisse téter autre chose pour apaiser ce besoin. Il y a bien son pouce, mais c’est rare qu’il le trouve avant 3-4 mois. Il vous reste votre auriculaire (ou celui du papa, qu’il se rende un peu compte de ce que vous vivez), la tétine ou un biberon d’eau. Là c’est vraiment à vous de voir ce qui convient le mieux à tout le monde. Vous constaterez peut-être qu’il y a des moments où le bébé va pleurer au sein mais se calmer en tétant votre doigt.

Essayez de repérer le temps maximum d’une tétée (par exemple pas plus de 45 minutes) et d’établir un temps minimum entre deux débuts de tétées (1h30 – 2h). Evidemment il ne faut pas être rigide, ce sont de simples repères. Par exemple si l’enfant est malade, si vous voulez « acheter » son silence dans un lieu public, ou s’il fait très chaud (le lait devient alors plus dilué pour que l’enfant tète plus souvent et soit mieux hydraté), n’hésitez pas à le mettre au sein plus souvent. Pour le faire « tenir » entre les tétées, donnez-lui votre doigt ou une tétine et évitez de lui mettre la tête dans votre décolleté qui sent le lait à 300 mètres (préférez l’épaule). C’est un aspect un peu frustrant de l’allaitement dans ce cas : vous n’osez pas trop faire de câlin à votre bébé entre les tétées (qui ne sont pas forcément une partie de plaisir les premières semaines). Par contre le papa en profite bien (qui a dit que l’allaitement excluait les pères ?) !

On vous répètera aussi qu’il n’y a pas besoin de faire de rot au sein. Quand vous aurez observé 5 minutes de tétée à haute pression, vous réaliserez rapidement qu’une petite pause-rot s’impose, surtout si le pépère râle et se tortille.

Si vous avez besoin d’un peu d’air, essayez de recueillir un peu de lait pour faire un biberon (au début, évitez de tirer mécaniquement trop de lait pour limiter la stimulation) que le père pourra donner pendant que vous faites un petit tour/une sieste. Pour ce type de bébé la confusion sein-tétine est rarement un risque. Au contraire il arrive qu’il refuse carrément le biberon. Dans ce cas-là patience et longueur de temps font mieux que force ni que rage.

Craignez l’engorgement comme la peste et faites très attention à bien alterner les deux seins (n’hésitez pas à donner les deux à chaque tétée, même si c’est juste 5 minutes pour le deuxième). Je ferai bientôt un billet sur le sujet.

Généralement après un mois ou deux, les tétées s’espacent et se régulent graduellement, et votre production de lait s’adapte gentiment. Comme la plupart des femmes, l’allaitement devient plus simple et plus agréable vers 2-3 mois. Dommage, c’est la fin du congé maternité.

Enfin je suis bien consciente que ces problèmes, si insignifiants soient-ils, ne concernent pas la majorité, loin de là. Mais d’une part je connais personnellement plusieurs femmes qui se sont trouvées dans ce cas, et d’autre part ça n’est à peu près jamais évoqué dans les documents sur l’allaitement, que j’ai trouvé peu adaptés quand je pataugeais dans mon propre lait.

 

Faire un plan de naissance ? 16 février 2008

accouchement La médicalisation parfois injustifiée des naissances conduit un nombre croissant de femmes à vouloir reprendre le contrôle de cet événement exceptionnel. Un des moyens mis en oeuvre est la rédaction d’un plan de naissance. Il s’agit d’un document dans lequel la mère ou les deux parents expriment leurs souhaits quant au déroulement de l’accouchement, aux gestes qu’ils souhaitent voir pratiquer ou non, et à l’accueil de l’enfant. Un exemple peut être trouvé ici.

Personnellement, autant je trouve qu’il est absolument essentiel de réfléchir à la façon dont on souhaite que son bébé vienne au monde, autant je ne suis pas persuadée que ce soit la meilleure façon de le communiquer à l’équipe soignante. Le problème à mon sens est que les quelques exemples trouvés sur le net sont extrêmement directifs : « on fera ça, on ne fera pas ça ». Je suis bien consciente qu’il y ait un certain nombre de mères et de parents qui se soient sentis mal accueillis et infantilisés par le personnel des maternités, et je ne veux en aucun cas minimiser leur souffrance, mais j’ai peur que ce retour de balancier soit un peu extrême. Si vous arrivez à la maternité persuadés que médecins, sages-femmes et infirmières sont un mal nécessaire qu’il va falloir contenir par tous les moyens possibles et imaginables, et que de toute façon ils n’y connaissent rien et ne pensent qu’à vous rendre malheureux, ils risquent de vouloir vous donner raison ! Par ailleurs, l’accouchement est par définition complètement imprévisible, donc arriver avec un plan bien défini peut souvent conduire à des déceptions. N’oublions pas non plus que certaines pratiques dont on a peut-être abusé et qui déchaînent l’ire des partisans de la naissance naturelle (césarienne, épisiotomie, ocytocynes, forceps etc), sont inévitables dans certains cas. Si les femmes et enfants morts en période périnatale sont si rares dans notre société, c’est aussi grâce à elles.

Pour autant, faut-il aller accoucher « les yeux fermés » en se reposant totalement sur le corps médical ? C’est à chaque mère de se poser la question de ce qu’elle aimerait pour son accouchement, sur ses priorités (par exemple sur la péridurale). La préparation à l’accouchement, surtout si elle est assurée par la maternité choisie, est un bon moment pour échanger avec les sages-femmes et voir les possibilités proposées par l’établissement, ainsi que la politique générale du service. C’est aussi l’occasion de poser ses questions et de voir comment les souhaits de chacune peuvent être respectés ou non dans ce cadre. Il est aussi utile d’en discuter avec le père (ou la personne qui viendra avec la mère le jour J), afin de voir avec lui quelle pourra être sa place (inutile de vous battre pour qu’il coupe le cordon si la seule pensée lui donne des hauts-le-coeur), et aussi pour qu’il puisse vous aider à faire respecter vos choix. On tend à l’oublier, mais on est plus impressionnable allongée à moitié nue et tenaillée par les douleurs des contractions.

C’est la démarche que j’ai suivie personnellement, et le jour J j’ai rapidement proposé aux sages-femmes de garde qu’on discute de la façon dont je voyais les choses. Elles ont très bien accueilli mes demandes et j’ai vraiment senti qu’elles faisaient tout leur possible pour les satisfaire. Chaque geste pratiqué a fait l’objet d’une discussion préalable, et je trouve que cela fait toute la différence. Et j’étais dans un grand hôpital public parisien de niveau 3 (le plus haut niveau de médicalisation), pas vraiment le style accouchement sous-marin avec les dauphins au son des djembés. Mettre les choses par écrit n’est pas forcément rhédibitoire (surtout si vous avez peur d’oublier certains points dans la panique du moment), je pense que c’est plutôt la façon de présenter les choses qui fait la différence.

Mais n’oublions pas que toutes ne sont pas concernées par ces propos: on peut être clouée au lit pour menace d’accouchement prématuré et ne pas faire de préparation, accoucher tellement vite qu’on a à peine le temps de dire bonjour à la sage-femme, se faire proposer une césarienne pour une raison médicale si évidente que la discussion ne peut porter que sur d’autres sujets… Et vous ?

(BD : Stone soup de Jan Eliot)